Discours du président 13 novembre 2021

Bonjour à tous

Nous sommes heureux de nous retrouver tous réunis cette année alors que nous avons été privés de ce rassemblement l’an passé pour les raisons sanitaires que nous savons et tous nous avions été frustrés de cette situation mais force était de nous en accommoder.

Merci à tous d’être avec nous aujourd’hui.

Merci à tous les élus présents, François Vauglin , maire du 11éme  qui nous accueille ici, Alexandra Cordebard qui nous accompagne aussi fidèlement, et aussi, et au tout premier chef, merci à vous, Chère Anne Hidalgo pour votre présence, pour votre soutien sans faille depuis l’origine de nos associations, soutien moral, soutien amical et soutien financier aussi puisque la ville de Paris, elle-même victime désignée de ces attentats, finance la vie de nos association et ainsi toutes les actions que nous menons auprès de toutes les victimes à hauteur de plus de 85 %, merci enfin à Life for Paris et à Arthur de nous associer à cette manifestation et de n’être plus seulement des invités.

Cette sixième année nous permet donc de renouer avec notre tradition qui nous a tant manqué l’an passé.

Outre le fait qu’elle intervient après une année de rupture, cette sixième année de commémoration intervient alors que le procès des attentats du 13 novembre, notre procès, est en cours.

Les deux événements, commémoration et procès, s’ils sont bien distincts, n’en sont pas moins liés entre eux, de mon point de vue, par trois réalités.

Ils sont liés

PAR LA MEMOIRE,

PAR LA SOLIDARITE

ET PAR L’HISTOIRE.

Par la mémoire, c’est une évidence, commémorer, c’est marquer par une cérémonie, le souvenir d’une personne, d’un acte ou d’un événement, c’est aussi se rappeler, se remémorer, nous n’avons ni les uns ni les autres le moindre effort à faire pour que nous revienne en mémoire les faits que nous avons vécus ou l’être que nous avons perdu. Mais si nous, victimes, nous n’avons pas besoin d’une commémoration pour que le souvenir s’entretienne, il en va différemment de tous ceux qui ne sont pas directement concernés. La mémoire s’étiole naturellement et il est besoin de la raviver régulièrement pour que la flamme ne s’éteigne pas.

Et c’est, me semble-t-il de ce point de vue que la commémoration et le procès dont nous sommes, tant pour l’une que pour l’autre, les acteurs, se rejoignent.

En effet, c’est bien la mémoire qui est le moteur des témoignages que nous avons entendus tout au long de ces cinq longues et éprouvantes semaines au cours desquelles plus de 300 d’entre nous sont venus à la barre. C’est la mémoire qui a fait resurgir ces moments, cette douleur.

Et on a pu mesurer combien la mémoire est subjective, combien le même événement pouvait être vécu radicalement différemment par deux victimes, pour les uns, cette mémoire invasive constitue un handicap qui encore aujourd’hui les maintient un genou à terre dans l’impossibilité de se redresser et d’avancer alors que pour d’autre, ce traumatisme qu’ils ont incontestablement subi de la même manière, au même moment, au même endroit, ce traumatisme n’a pas produit les même effets dévastateurs parce que la mémoire a su ranger ce moment vécu à la bonne place dans le cerveau.

Dans tous les cas c’est une émotion intense qui s’exprime.

Mais, chez certains, la violence du choc produit une sorte d’effet d’hypermnésie, ceux-là vont se rappeler de chaque détail, de chaque seconde, pour d’autres, au contraire, il se produit une « effet tunnel » qui fait qu’au cours de ces quelques minutes l’intégralité de leur énergie et de leur attention va être portée sur la survie et que plus rien n’existe autour, ceux-là ne pourront rien décrire de ce qu’ils n’ont pas vu autour d’eux, ils le disent.

C’est tout le travail que conduisent Denis Peschanski et Francis Eustache dans leur programme de recherche sur la mémoire de ces attentats. Comment certaines zones du cerveau sont plus ou moins impactées selon que le SYNDROME POST TRAUMATIQUE est plus ou mien bien « assimilé ».

Commémoration et procès se rejoignent aussi me semble-t-il dans la volonté d’incarner les victimes.

Au cours de la commémoration sur chaque lieu des attentats, sont lus, chaque année, les noms de tous ceux qui ont perdu la vie, et pareillement au cours du procès, tous ceux qui ont perdu la vie ont été incarnés par un proche, un parent. Et les survivants eux aussi ont exprimé par leur venue à la barre, le fait qu’ils étaient bien vivants, qu’ils étaient des sujets et non seulement les objets de cette folie meurtrière.

Le procès et la commémoration sont liés aussi par la SOLIDARITE.

La commémoration elle a pour objet d’empêcher que les évènements et ceux qui les ont vécus, ceux qui y ont perdu la vie, ne tombent dans l’oubli. L’oubli, c’est une seconde mort.

D’autant plus au cas particulier où l’on sait que tous ceux qui étaient visés ne l’étaient pas pour qui ils étaient, chacun pris en tant que sujet, mais bien pour ce qu’ils représentaient, pour leur culture, leur façon de vivre et d’être.

Et la commémoration c’est alors l’expression de la solidarité nationale. Ils sont morts ou ils ont été attaqués pour la nation dont ils sont des composants.

La solidarité, la solidarité individuelle, cette fois ci, par opposition à la solidarité nationale, elle s’est elle aussi exprimée tout au long des témoignages, par les regards échangés dans la salle du Bataclan, par les gestes protecteurs de ceux qui se sont couchés sur leur sœur, sur leur compagne, aux terrasses ou dans la salle pour les protéger au prix de leurs propres blessures. N’est-ce pas aussi d’une certaine manière la solidarité qui s’exprime dans la culpabilité que portent et que confessent nombre de victimes, c’est la solidarité qui s’exprime parce que justement, ils n’ont pas pu ou pas su faire le geste qu’ils auraient voulu faire à ce moment précis, le geste qui aurait pu aider qui aurait pu sauver, en tous cas c’est ce qu’ils pensent.

Cette solidarité vécue ce soir-là, telle qu’elle s’est exprimée à l’audience, elle était palpable dans la salle pour nous qui écoutions. Elle a conforté ce sentiment d’appartenance à une même communauté, ce sentiment qui nous fait nous retrouver tous ensemble ici aujourd’hui.

Et pour être tout à fait sincère, et je pense que je traduis ici la pensée de nombreux proches et parents de victimes décédées, ces témoignages ils nous ont bouleversé par la violence de ce qu’ont vécu ceux qui ont survécu et ils nous ont permis d’appréhender la réalité de ce qui a été vécu, la réalité aussi de ce qu’ont vécu ceux que nous avons perdu et cela nous permet à nous aussi de nous sentir, plus encore si besoin était, membres à part entière de cette même communauté.

Le procès a eu pour effet de resserrer les liens entre toutes les victimes, d’agrandir le cercle, d’ailleurs il a suscité de nouvelles adhésions auprès de nos deux associations.

Le procès et la commémoration ils sont reliés par l’HISTOIRE.

De la même manière que l’attentat du World Trade Center le 11 septembre 2001, les attentats du 13 novembre 2015, à Saint Denis et à Paris sont considérés comme un marqueur de ce début du 21ème siècle.

Ces attentats sont incontestablement inscrits dans l’histoire de la Nation française et au-delà, dans l’Histoire avec un Grand H.

De la même manière, le procès de ces attentats s’inscrit dans l’histoire, parce que considéré comme « ayant un intérêt pour l’histoire », il a été décidé qu’il serait filmé comme l’ont été dans le passé les procès Barbie, Touvier, Papon mais aussi AZF et Charlie Hebdo.

C’est un procès historique, cela a été dit et répété encore ce mercredi par le Président Hollande « ce procès est historique parce que les actes en cause sont diligentés par un groupe qui se prétend un état et plus seulement par des individus… »

Ce caractère historique du procès on le perçoit aussi au travers des témoignages. Pour certains, outre le caractère que j’ai toujours personnellement qualifié de « thérapeutique », parce que c’est une manière de panser la plaie, la venue à la barre répond à la volonté de s’inscrire dans l’histoire, ils en sont partie intégrante, parce que projetés contre leur gré dans cette réalité, alors ils leur paraît naturel que leur participation à cette réalité historique soit aussi gravée sur la pellicule, il ne s’agit en aucun cas de se mettre en scène mais seulement de se dire « je suis un élément de cette réalité et j’en laisse la trace ».

J’avais prévu de parler du Fonds DE GARANTIE mais il me semble que j’ai été déjà trop long donc j’abrège.

Pour terminer et dans le prolongement de la mémoire, deux informations :

Quant au mémorial qui sera édifié et financé par la Ville de Paris, après un vote unanime sur proposition de la majorité conduite par Anne Hidalgo, il sera édifié Place Saint Gervais, derrière l’Hôtel de Ville, devant l’Eglise Saint Gervais. Un communiqué est paru aujourd’hui qui nous dit qu’un appel à projets avait été lancé courant de l’été, que cinq agences d’architectes urbanistes ont été retenues qui devront présenter leur projet à une commission qui se réunira au deuxième trimestre 2022 pour un choix définitif.

Ce mémorial devrait être livré en 2025, et bien évidemment nous formons le vœu que la livraison puisse intervenir dans le délai prescrit pour marquer la dixième année suivant les attentats.

Quant au Musée Mémorial des Sociétés Face au Terrorisme, nous avons pu participer la 16 septembre à une visite guidée du site sur lequel sera installé ce musée, actuellement site de l’Institut Supérieur de Formation et de Recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés, situé sur la ville de Suresnes, à quelques centaines de mètres du Mémorial de la France Combattante au Mont Valérien, ce musée devrait voir le jour en 2027. Nous sommes en mesure d’organiser une visite des lieux pour ceux de nos adhérents que cela intéresserait. Nous communiquerons très prochainement à ce sujet mais je souhaitais vous en informer d’ores et déjà.

PhD.